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Epidémie de septicémie hémorragique virale dans une pisciculture du Jura, plusieurs réservoirs touchés

Peut-on jouer avec le feu sans se brûler ? Visiblement, non. Dans l’est de la France, les élevages de truites sont sous contrôle des services vétérinaires suite à une épidémie de septicémie hémorragique virale. Une maladie qui soulève de nombreuses questions de fond et qui remet en cause l’évolution même de la pêche à la mouche en France et de la protection de l’environnement.

Par Philippe Boisson

L’année 2013 commence mal dans l’est de la France. Courant janvier, la mairie de Socourt (Vosges) gérante d’un réservoir de pêche à la mouche, tire la sonnette d’alarme. Environ deux cent truites flottent le ventre en l’air. Cette mortalité exceptionnelle fera l’objet d’analyses par les services vétérinaires. La septicémie hémorragique virale (SHV), maladie que l’on croyait éradiquée du territoire national, reprend du service. La SHV est une maladie à déclaration obligatoire, comme le veut le Code de l’Environnement. Nous ne pouvons que féliciter Jean-Luc Martinet, Maire de Socourt, ainsi que Jean-Louis Thomas, responsable du plan d’eau, d’avoir au plus vite prévenu la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations des Vosges (DDCSPP) et d’avoir jouer la plus totale transparence. Cela a permis à d’autres plans d’eau présentant des poissons malades ou morts, d’engager une procédure de contrôle. Ainsi, à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous savons que le réservoir de Wittenheim dans le Haut Rhin a été fermé au public et que des poissons sont en cours d’analyse. Le réservoir de Saint-Louis (Haut-Rhin) est également sous surveillance et fait l’objet d’un arrêté préfectoral. La maladie proviendrait d’une pisciculture située dans le Jura. Cet établissement compte parmi ces clients de nombreux réservoirs, d’où la contamination de plusieurs plans d’eau, ainsi que bon nombre d’AAPPMA. Afin de bien prendre conscience de la gravité de cette maladie, nous publions en annexe le courrier d’information que nous avons reçu du Maire de Socourt le 5 février 2013.


Le statut “d’eaux closes” en question

Cet épisode soulève une multitude de questions et rappel les risques que prennent les pêcheurs en déversant des truites d’élevage dans les cours d’eau ou les plans d’eau. La grande majorité des réservoirs de pêche à la mouche français sont sensés être des “eaux closes”, coupées des milieux naturels. En pratique, la plupart bénéficient de ce statut, alors que, sur le terrain, tout le monde peut constater qu’il n’en est rien. Il suffit de chercher un peu pour tomber sur un tuyau ou une petite rigole qui permet au lac d’évacuer son trop plein. Nous connaissons tous des réservoirs où ce trop plein fini quelques mètres plus loin, dans les rivières, y compris des rivières à salmonidés sauvages en tête de bassin (cherchez un peu et vous verrez…). Nous avons contacté des spécialistes en pathologie des poissons. Ils sont unanimes pour dire que dans une rivière qui ne pose pas de problèmes particuliers, des poissons sauvages n’ont aucune raison de contracter une SHV. En revanche, ils reconnaissent volontiers qu’avec des poissons immunodéficients comme le sont ceux de la Loue, du Doubs ou de la basse Bienne, les risques sont très importants. La truite fario, l’ombre, le brochet et le corégone peuvent être touchés par ce virus. Je voudrais rappeler que sur la Loue, les premiers poissons observés malades ou morts en 2009, l’ont été au niveau du ruisseau qui passe sous la route en rive droite à l’entrée du village de Lods. Ruisseau sur lequel est implanté la pisciculture Cote quelques mètres en amont. Aujourd’hui encore, plus de quatre années plus tard, il reste une population de truites et d’ombres en amont (amont du village de Lods, Mouthier-Haute Pierre et gorges de Nouailles), alors qu’en aval, la Loue prend des allures de déserts pisciaires. Certes, c’est bien l’état de pollution de la Loue qui rend les poissons fragiles et la pisciculture ne fait qu’aggraver les choses. La présence de réservoirs au bord des cours d’eau, en têtes de bassins fait courir un risque très important aux rivières. Les pêcheurs à la mouche doivent comprendre cela, sans se réfugier derrière un prétexte fallacieux.

Le monde obscur de la pisciculture

Le retour de la SHV a au moins permis de mettre en évidence certaines dérives, que les pêcheurs doivent également connaître. Les contrôles sanitaires sont le plus souvent annoncés quelques jours à l’avance, ce qui laisse le temps aux pisciculteurs d’éliminer les poissons malades. Pis, les services concernés poussent les exploitants à faire de l’auto contrôle, faute de temps et de moyens… Ces sites sont privés. Personne ne peut y rentrer sans autorisation. Dans l’affaire du réservoir de Socourt, c’est la bonne volonté des gestionnaires du plan d’eau qui a permis de réagir vite et d’enrayer l’épidémie. Ce qui se passe dans les piscicultures échappe aux fédérations de pêche comme à l’Onema ou à l’ONCFS. Comme les réservoirs, les élevages communiquent avec les milieux naturels, sur des zones protégées car près des sources des rivières. Actuellement, les services de l’Etat passe au crible tous les établissements en Franche-Comté et les langues se délient. On apprend par exemple que tous les poissons ne sont pas produits sur place et qu’il est courant que certains pisciculteurs achètent des poissons parfois très loin, hors de France. Certains propriétaires de plan d’eau se vantent d’acheter des truites arc-en-ciel adultes à trois euros le kilo. Comment ces poissons peuvent-ils être sains à ce prix et mangent t-ils ? D’où viennent-ils ? En huit ou dix heures de camion, je vous laisse imaginer la provenance. On est dans l’affaire des lasagnes Findus… Pendant que les DDCSPP cherchaient à en savoir plus, l’actualité de la mi-février annonçait la possibilité de nourrir les poissons d’élevage avec des farines animales. C’est mieux qu’avec du bar sauvage, mais on imagine bien ce que ce choix peut susciter comme dérives…

Demande de prise d’arrêtés préfectoraux

Le Collectif SOS Loue & Rivières Comtoises a demandé aux quatre préfectures franc-comtoises que soient pris des arrêtés préfectoraux pour interdire l’introduction de truites d’élevage dans les rivières avant l’ouverture de la pêche, le 9 mars. Cette demande rappelle en outre aux services de l’Etat la réglementation en vigueur sur la plupart des cours d’eau de première catégorie de la région :
– Article 6C-05 du Sdage : “Les organismes chargés de la gestion de la pêche en eau douce favorisent une gestion patrimoniale du cheptel piscicole qui s’exprime selon les principes essentiels suivants : les souches génétiques autochtones et les réservoirs biologiques doivent être préservés,…”.
– Sont classés en réservoirs biologiques la totalité du Dessoubre, le Doubs Franco-Suisse, la Loue dans sa partie amont et ses affluents, la haute rivière d’Ain et ses affluents, pour ne citer que ces exemples.
– La Directive Cadre Européenne sur l’Eau fait obligation pour l’Etat de protection des réservoirs biologiques et de restauration du bon été écologique, évidemment incompatible avec les mortalités pisciares.

A l’heure du bouclage de cet article, les préfectures n’ont toujours pas donné leur réponse. La fédération de
pêche du Jura, a choisi dans un premier temps de soumettre les pisciculteurs à la transparence. Ils devront indiquer la provenance des poissons et la fédération sera en droit de réaliser un prélèvement pour analyses. Les dates de déversements ainsi que l’identité des pisciculteurs doivent être communiquées à l’avance à la fédération. Après ce qui s’est passé sur les cours d’eau franc-comtois, il est inconcevable et surtout illégal d’introduire des truites d’élevages dans ces rivières. Les poissons de la Loue sont toujours affaiblis et en dépit d’excellentes conditions lors de la fraie cet hiver, les truites continuent de mourir.

Les pays de UE, hors la loi

Adhérer à l’Union Européenne, cela donne des droits, mais aussi des devoirs. Rois de la bassine d’arc-en-ciel, de farios et d’ombres dans des milieux soumis à la DCE et à la notion de réservoirs biologiques, l’Autriche et la Slovénie oublient qu’ils ont des devoirs vis-à-vis de cette Europe qui leur a donné des milliards d’euros pour développer des activités commerciales. Cela saute aux yeux en Slovénie, où la plupart des gîtes de pêche, refaits à neuf avec nos impôts, accueillent des touristes pêcheurs venus pratiquer leur loisir en toute illégalité. Avec un tel développement de piscicultures et des taux d’empoissonnement surréalistes, comment ces pays peuvent-ils éviter les épidémies de SHV ou de NHI ? A court terme cela conduit à la disparition des populations de truites et d’ombres sauvages. C’est inéluctable, et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans certaines rivières. Comment des pêcheurs à la mouche digne de ce nom peuvent-ils cautionner de telles pratiques ?
Certes, la gestion de la pêche en France laisse fortement à désirer, mais ce n’est pas une raison pour se permettre de faire pire ailleurs. L’échéance de la DCE en 2015 se traduira par des amendes colossales, estimée à plusieurs milliards d’euros, payées à l’UE par la France. Et tous les pays de l’Union qui n’ont pas pu redresser la barre de la qualité de l’eau seront soumis aux mêmes amendes.

L’exemple de la Suisse

En Suisse, les introductions d’espèces exogènes sont interdites en eaux libres comme en eaux closes. Même si ce pays n’est pas toujours un exemple d’écologie (bien des rivières ont été canalisées dans le but de gagner de la place au fond des vallées), la Suisse ne joue pas avec le feu en ce qui concerne les élevages de truites.

Nous publions de larges extraits du courrier, rédigé par Jean-Luc Martinet, maire de Socourt qui relate les faits qui se sont déroulés dans le plan d’eau de la commune. Ce courrier, daté du 5 février 2013, est très informatif à propos du virus, de sa propagation ainsi qu’au sujet des traitements éventuels pour s’en débarrasser. Ce courrier était destiné aux habitués du plan d’eau et aux propriétaires d’autres plans d’eau.
“Vous n’êtes pas sans savoir j’imagine les difficultés que rencontre actuellement le réservoir de pêche à la mouche de Socourt. Celui-ci est en effet fermé provisoirement suite à une forte mortalité de truites arc-en-ciel. Si ce triste épisode est désormais derrière nous, il faut savoir que près de 200 poissons ont été retrouvés morts et évacués. Dans le but de faire la transparence sur ces événements, la Commune a fait procéder à une analyse d’eau et à une analyse de sept truites par le Laboratoire Départemental d’Analyses du Jura à Poligny (39), (qui dépend du Conseil Général), l’un des sept laboratoires agréés en France pour les analyses de poissons. Après deux semaines d’investigations, les scientifiques ont fini par identifier avec certitude l’origine de la mortalité : SHV, autrement dit « septicémie hémorragique virale ». Sans danger pour l’homme, y compris pour celui qui consomme le poisson, la SHV est l’équivalent de la grippe chez l’homme. Mais personne ne sait aujourd’hui traiter le virus chez le poisson. Les truites qui n’ont pas succombé, et elles sont nombreuses, sont désormais immunisées mais sont devenues des porteurs sains. Dès la publication des résultats, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations des Vosges (ancienne DDASS) s’est emparée du dossier (jeudi 31 janvier). L’un de ses responsables est venu sur site dès le lendemain dans le but d’obtenir notamment une copie des factures de nos fournisseurs. En l’occurrence d’un seul pisciculteur, puisque depuis l’ouverture du réservoir en 2004, la commune de Socourt est restée fidèle à la même pisciculture. La visite de la DDCSPP du Doubs chez ce pisciculteur a permis d’établir la liste des plans d’eau et réservoirs alevinés depuis la fin de l’été. Conséquence, toutes les eaux closes concernées seront suivies par les services sanitaires de la même manière et avec la même nécessité de détruire le virus et les poissons qui en sont porteurs. Pour ce qui concerne Socourt, car c’est sur ce plan d’eau que porte toute notre attention vous l’imaginez bien, la pêche aurait pu rouvrir à condition de contraindre nos amis moucheurs à éviscérer sur place les truites conservées et à désinfecter l’ensemble de leur équipement avant et après la partie de pêche, car le virus se propage aussi par l’eau. Bien qu’envisageable, cette solution ne correspondait pas à notre vision des choses. (…) La mesure la plus spectaculaire porte sur la destruction des poissons encore présents dans le plan d’eau : salmonidés bien-sûr, mais aussi carnassiers, poissons blancs et crustacés car eux aussi sont peut-être devenus des porteurs sains du virus, même s’ils sont moins sujets à la SHV. Il n’était pas question pour nous en effet de laisser planer le moindre doute. S’agissant d’une eau close non vidangeable, plusieurs solutions opérationnelles ont été imaginées (pêche au filet maillant, utilisation d’un produit biodégradable) jusqu’au début de cette semaine. La DDCSPP, suivant en cela les recommandations de son référent national, nous orientait jusqu’à aujourd’hui encore vers l’utilisation d’eau de javel, purement et simplement, pour à la fois éradiquer les poissons et le virus (sur les poissons qui ne pourraient pas ensuite être récupérés). L’eau de javel ne présente aucun danger pour l’environnement, ses effets se seront dissipés au bout de quelques jours si elle est introduite en quantité raisonnable.
Bien que brutale, cette solution nous paraissait conduire au meilleur résultat. Un résultat qui devait nous permettre d’envisager la réouverture du plan d’eau début avril avec toutes les garanties sur le plan sanitaire. Pour ce faire, la Commune a d’ores et déjà noué des liens avec un nouveau pisciculteur, détenteur d’un agrément sanitaire européen. Un professionnel basé dans le territoire de Belfort et qui travaille de longue date avec plusieurs pays européens : Suisse, Danemark … Problème, le référent national aquacole de la DDCSPP vient d’estimer à 10.000 litres concentrés à 48 % la quantité d’eau de javel nécessaire. Une solution qui, d’un commun accord, vient d’être abandonnée. Le risque était trop grand pour les plans d’eau voisins. Nous sommes dans l’attente de nouvelles propositions, mais devons désormais nous résoudre à n’envisager la réouverture pour le premier week-end d’octobre. Dans l’attente, la Commune indemnisera tous les pêcheurs qui ont subi, bien malgré nous, un préjudice au cours de l’automne. Avant l’épisode de mortalité, durant plusieurs semaines, les poissons malades ne mordaient plus. (…) Bientôt, cet épisode malheureux dont nous tirerons tous les enseignements ne sera plus qu’un mauvais souvenir. En cas de besoin, le responsable du réservoir, Jean-Louis Thomas (Email : jlt88@sfr.fr) se tient à votre disposition pour vous apporter tous les éléments dont vous pourriez avoir besoin, y compris si vous souhaitez avoir communication des documents dont nous disposerons d’ici quelques jours (analyses du laboratoire de Poligny, arrêté préfectoral …). La Commune n’a rien à cacher.”

Jean-Luc Martinet, maire de la commune de Socourt.