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Montage : le chant du coq

Le monde des éleveurs de coqs de pêche ne fait pas le partage entre un vrai rapport au monde rural, à une certaine forme d’écologie et à une nostalgie emprunte de poésie. Pour autant, les plumes exceptionnelles des coqs de pêche du Limousin n’ont jamais quitté le devant de la scène tant elles sont incomparables. De véritables trésors que nous vous invitons à découvrir.

Par Philippe Boisson.

Il existe une grande tradition de l’élevage des coqs de pêche en France. Peu d’entre-nous connaissent le quotidien de ces éleveurs très particuliers, tous pêcheurs à la mouche passionnés. La sélection, les conditions d’élevages, le terroir, l’altitude, telles sont les conditions requises pour obtenir un plumage d’une grande qualité.
Durant des décennies, les mouches de pêche réalisées avec des plumes sélectionnées pour leur brillance et leur souplesse ont connu leur heure de gloire, car peu de matériaux étaient en mesure de rivaliser. Les collections Guy Plas, Jean-Louis Poirot ou Gérard de Chamberet étaient alors réputées et recherchées dans le monde entier. La mouche française se vendait bien. Montages araignée, en palmer, en spent, en mouches noyées étaient incomtournables jusqu’au début des années 1980, date à laquelle une plume très différente fit beaucoup parler d’elle. L’utilisation de la plume de croupion de canard (CDC) créa un véritable choc dans l’ordre établi de la mouche de pêche. On lui prête alors la vertu magique de faire monter les poissons les plus récalcitrants. On connaît la suite, avec un succès grandissant qui aujourd’hui n’est pas contestable. Ceci étant, la plume de croupion de canard ne fait pas l’unanimité sur tous les terrains et dans toutes les conditions rencontrées par le pêcheur. Autant elle fait merveille sur les zones calmes des rivières, autant son utilisation n’est pas obligatoire en eaux rapides où une flottaison haute de la mouche n’est pas un problème mais un avantage. Idem sous la pluie, la plume de CDC montre vite ses limites en devenant impossible à faire sécher, alors qu’un hackle de coq continue de rester“pêchant”. De plus, on assiste avec la généralisation du CDC à une sorte d’overdose sur certains parcours très fréquentés. La plume magique ne fait plus forcément recette. Certains très bons pêcheurs ont vite analysé cette situation et pris le contre-pied en adaptant certains montages peu utilisés en France, comme le montage parachute avec sa collerette en coq, et obtiennent d’excellents résultats avec une mouche à flottaison basse montée avec seulement deux ou trois tours de hackle de coq. La fameuse Mix’aile de Florian Stéphan, avec son hackle monté en palmer et son aile en CDC est une parfaite illustration de ce qu’il est possible de réaliser. Autre tendance qui mérite d’être approfondie, le mariage du CDC ou du dubbing de lièvre (un autre incontournable) avec des plumes de coqs de qualité. Le résultat à la pêche est très intéressant, puisque l’on peut profiter des avantages de tous les matériaux. Des associations sont également possibles avec des matériaux synthétiques, même si cela doit faire bondir quelques puristes de la mouche traditionnelle française.
Les plumes de nos éleveurs ont donc de très beaux jours devant elles.


Un élevage pour la plume

La variété originelle des coqs de pêche français est dénommée “coqs de pêche du Limousin” sans qu’au-cune race ne soit plus précisément définie. Avant la seconde guerre mondiale, époque où l’agriculture n’était pas encore modernisée, les animaux des fermes d’une région comme le Limousin voyageaient très peu. Les élevages de volailles, pour la viande étaient très hétéroclites, et déjà, les coqs de pêche naissaient au hasard des couvées naturelles. Ils étaient issus de croisements hasardeux entre plusieurs races. Dans cette région, réputée froide, les volailles ont toujours produit beaucoup de plumes, les protégeant ainsi des frimas. Dans les années 1960, le bouleversement qu’a connu l’agriculture a bien failli faire perdre à tout jamais ces lignées d’animaux sélectionnés au fil des décennies. Heureusement, la pêche à la mouche se démocratisant, la demande en plumes s’est faite plus grande. Les premiers écrits sur le sujet, en langue espagnole, dateraient de 1539, mais c’est un traité de 1624, intitulé “le manuscrit de Astorga”, également en espagnol qui donne le plus de détails sur le montage de mouches artificielles à l’aide de ces plumes.
Guy Plas, fut l’un des premiers en France à être à la fois éleveur et monteur de mouches professionnel. Son affaire, reprise par Olivier Dez, compte aujourd’hui encore de splendides animaux qui produisent des plumes appréciées des spécialistes du monde entier. Les coqs de pêche du Limousin ne sont pas tués pour en prélever les plumes. Tuer les coqs pour vendre les cous comme cela se fait en Chine, en Inde ou aux Étas-Unis (cous Metz ou Hofmann) serait impossible pour les éleveurs français, car sur cent poussins, un éleveur obtiendra cinq ou six coqs de pêche seulement et il faudra attendre trois ans pour commencer à leur prélever des plumes. Il est en effet impossible de connaître le devenir des poussins. Les coqs de pêche au plumage parfait sont des exceptions. Les éleveurs professionnels doivent disposer de cent à deux animaux (coqs, poules, poussins) demandant un travail quotidien. C’est le seul moyen pour un professionnel d’obtenir un nombre suffisant de coqs variés (tonalités des plumages) avec des classes d’âges qui assurent le renouvellement de l’élevage.

Le terroir

Ces chers gallinacés produisent des plumes qui affichent de grandes différences de tonalité selon les individus, les élevages, avec leurs situations géographiques et les saisons. De tous temps, certains emplacements ont toujours produit de très beaux coqs de pêche. L’altitude, l’orientation, liée à l’ensoleillement, l’humidité, le terroir comme l’on dit, tout rentre en compte dans ce type d’élevage si particulier. Les conditions idéales pour obtenir des coqs de qualité sont maintenant bien connus : altitude moyenne (400 à 1000 m), terrain granitique, pH acide, climat montagnard. De même, ce qui convient aux coqs du Limousin semble également convenir aux célèbres coqs espagnols pardos de la province de Léon. Certains éleveurs du Limousin en possèdent et on a longtemps dit que le pardo français n’était pas comparable au “vrai” pardo espagnol. Cela n’est, de l’avis de nombreux spécialistes, plus le cas aujourd’hui. Olivier Dez, Bruno Boulard, Robert Brunetaud ou Florian Stephan ont superbement réussi l’implantation de coqs ibériques pardos dans le centre de la France. Différentes des plumes de coqs pardos (pelles), les plumes des coqs du Limousin sont également pigmentées mais de façonbeaucoup plus fine, comme de la poussière d’or. La brillance, les reflets, la souplesse, la faible présence de duvet à la base des plumes, tels sont les critères retenus qui font toute la valeur de ces coqs de pêche.
Gérard Poyet, éleveur depuis plus de trois décennies sait de quoi il parle : “ces plumes présentent des fibres raides et souples à la fois, d’une brillance presque transparente. Elles sont un plaisir pour les yeux et rendent les artificielles montées d’une incroyable efficacité”. Les observations de Gérard Poyet sur la capacité de ces plumes à “jouer” avec la lumière sont également très étonnantes : “la caractéristique principale qui détermine la plume de coq de pêche, que ce soit la plume de camail, de cape, d’aile ou de flanc, est son degré de mimétisme et sa grande sensibilité à recevoir et à renvoyer la lumière. L’expérience du papier de couleur le démontre bien : présentons une plume sur un papier rose, elle se colore de rosâtre, sur du vert, elle verdit, sur du brun, elle brunit…il en est ainsi à l’infini”. Le secret des qualités “pêchantes” des plumes des coqs de pêche est certainement lié à cette adaptation particulière à l’environnement lumineux. Pour les éleveurs, se sera toujours la qualité de la plume qui comptera et non la morphologie de l’animal. Or, pour les éleveurs qui souhaitent participer à des concours, les coqs du Limousin doivent de plus en plus répondre à des standards avicoles qui imposent des critères morphologiques précis. Parmi ces standards, on trouve la crête qui doit être droite et non frisée, ou encore les pattes qui doivent afficher une teinte rougeâtre et non jaune. Ces critères sont contestés par certains éleveurs, car d’une part, ils n’ont aucune influence directe sur la qualité des plumes et d’autre part l’origine très rustique et incertaine des coqs de pêche du Limousin risque d’y laisser des plumes…


Différentes tonalités de plumes

Les plumes, hackles, lancettes, pelles de dos et pelles d’ailes, peuvent couvrir l’essentiel des tonalités intéressantes pour le pêcheur à la mouche. Les tons ocre ou rouille dignes de la palette d’un peintre sont pigmentés d’une finesse éloquente. Les gris, dont on compte d’infinies variantes ont toujours été très recherchés par les pêcheurs, mais difficiles à obtenir, notamment le gris bleuté (le blue dun des anglais) et le gris fumé.
Deux tonalités qui nous rappellent la fantastique collection de mouches de Jean-Louis Poirot, décédé il y a quelques années, et qui était lui aussi un des rares éleveur et monteur de mouches professionnel. De plus, la tonalité des plumes varie selon la saison puisque les animaux vivent en plein air, ne rentrant au poulailler qu’en fin d’après-midi. L’influence du soleil a une incidence sur la teinte du plumage ce qui oblige les éleveurs professionnels à anticiper leur stock de plumes pour éviter les manques dans certaines teintes.


Le plumage, tout un art

Pour Bruno Boulard, éleveur et monteur de mouches professionnel, le prélèvement des plumes s’effectue à la nouvelle lune. “C’est important pour la repousse des plumes qui sera plus rapide si l’on respecte cette règle qui, il faut bien l’admettre, fait parfois sourire. A chacun ses petits secrets !”, explique t-il. On peut effectuer trois ou quatre plumages au cours de l’année sur un même coq. Les jeunes coqs n’aiment pas particulièrement cet exercice qui les stress inévitablement. Les sujets plus âgés ont dû se faire une raison. C’est un peu la rançon de leur liberté et d’une longue vie aux petits soins. Les plumes doivent s’arracher facilement. Si ce n’est pas le cas, l’éleveur choisi alors de repousser le plumage à plus tard.