
Les Hard Swimbaits
A gros leurres, gros poissons ! C’est un adage souvent employé parmi les pêcheurs et, s’il n’est pas toujours vérifié, il s’applique bien aux swimbaits rigides qui sont rarement utilisés pour faire du nombre…. mais plutôt des poissons de qualité, voire des records !
Par Achille Gan
Nous avions passé en revue les swimbaits souples dans un précédent article, en espérant que vous aurez pu vérifier sur le terrain, la validité des explications qui y étaient données. Passons cette fois-ci aux leurres rigides catégorisés sous les termes “big baits” (gros leurres) ou “hard swimbaits” (poissons nageurs) mais en se limitant aux modèles destinés au black bass, laissant les “jerkbaits” et autres “plugs” géants, vraiment spécifiques à la pêche du brochet et du musky, à des spécialistes en la matière. D’origine nord-américaine, les big baits rigides font partie des ancêtres des leurres, créés au tout début du XXe siècle par des firmes aussi célèbres que Creek Chub (dont le célèbre Wigglefish détient l’actuel record mondial du bass depuis 1932) ou Heddon. Les bass men de l’époque ne se doutaient pas qu’au début des années 80, le fameux AC Plug allait relancer ces gros poissons nageurs en bois dont l’efficacité, notamment durant l’automne et le printemps, n’était plus à démontrer. Si leur construction est littéralement différente des soft swimbaits, leur vocation première et leur raison d’être, sont tout à fait identiques. On ne reviendra donc pas sur ces basiques qui s’appliquent généralement à la plupart des swimbaits rigides qui vont nous intéresser. Avec une allure de jerkbaits articulés, ces leurres s’en distinguent, non seulement par leur taille qui peut être parfois imposante (de 95 mm et jusqu’à 30 cm pour 230 g), mais aussi par leur mode d’utilisation qui est assez primaire, puisque souvent basé sur une récupération linéaire dont on fera varier la vitesse. Le principe du swimbait est on ne peut plus clair : c’est la nage propre à chaque type de leurre qui le fait vivre et se suffit à elle-même pour déclencher l’attaque des prédateurs.
Des densités spécifiques
Flottants ou coulants les swimbaits rigides possèdent, des densités très variables d’un modèle à l’autre de par la nature des matériaux qui les composent. On distingue les swim’ sculptés dans du bois et ceux moulés en ABS ou en polycarbonate. Les fabricants des premiers sont rares, car produire en nombre des pièces, quasi uniques, pourrait relever d’un des douze travaux d’Hercule et ceux d’entre eux possèdent l’appareillage numérique consacré spécifiquement à cette production, somme toute limitée, se comptent sur les doigts d’une « main de patron de scierie » ! Les essences utilisées sont généralement exotiques comme le cèdre, le balsa et le jelutong. Ce dernier s’avère être le plus avantageux aux yeux des spécialistes américains et des créateurs japonais, qui en apprécient le grain et la texture, ainsi que son comportement lorsqu’il est devenu un leurre (densité, solidité, etc.).
Leur fabrication et leur finition est une véritable création artistique,de nombreuses opérations sont réalisées à la main, et on peut dire que chaque leurre à sa propre identité, sa propre action. Les swimbaits en bois ont un comportement moins calé, plus irrégulier et donc plus attractif. Ce manque d’uniformité qui pourrait choquer certains pêcheurs, les a toujours placés au premier rang, devant leurs homologues, en matière plastique, sortis des chaînes de production automatisées. Ces derniers ont pourtant une finition plus détaillée, des transparences et des irisations naturelles de toute beauté, et il faut admettre que de gros progrès ont été réalisés pour leur faire approcher la nage et la conduite des swimbaits en bois. En jouant sur le matériau des lestages internes, et leur positionnement, ou en ajoutant aux leurres des appendices « perturbants » (queue souple, quille, hélice, palette de cuiller, etc.), certains fabricants ont vraiment réussi à créer de véritables petits bijoux conceptuels. Les signaux émis (vibrations, éclats, sons, bulles et turbulences,…) sont différents à chaque fois, ce qui ne manque pas d’intriguer les prédateurs postés dans les parages, qu’ils soient actifs ou pas ! Et vous le savez, dans la nature, tout ce qui a un comportement bizarre et qui peut se manger, est rapidement sanctionné d’un coup de dent ! L’ami Philippe Duchesne a pu s’en rendre compte, et en tirer profit, lors de cette partie de pêche mémorable, au lac de Vassivière au début de l’automne, alors qu’il pêchait le brochet au DD V-Joint Minnow River2Sea. Les pêcheurs qui l’accompagnaient n’en sont toujours pas revenus !
Des nages à couper le souffle !
Les swimbaits rigides, à bavette, doivent leur belle nage ondulante à l’articulation qui partage leur corps en deux ou trois segments (parfois plus), reliés entre-eux par des « charnières » à un ou deux points de fixation. Ces dernières offrent une nage moins désaxée mais supportent mieux les récupérations rapides, si on les compare au système à attache unique. Celui-ci, en revanche, voit sa partie caudale frétiller et se tortiller d’une manière très libre, même à petite vitesse. Les leurres ainsi montés seront très meurtriers en « do-nothing » – vous vous rappelez, c’est la non-animation de leurres arrêtés – sur des zones ou des postes précis. Quoiqu’il en soit, les swimbaits à bavette ont une nage réaliste faite de wobbling et de rolling (frétillement et roulis) qui sont les éléments essentiels d’un bon poisson nageur. A vous de tester et choisir différents modèles, afin de vous équiper de manière satisfaisante, pour proposer à vos carnassiers favoris, le déhanchement qu’ils préfèreront à un moment précis. La véritable nouveauté, dans la grande famille des poissons nageurs, est l’arrivée relativement récente de swimbaits sans bavette, dont la faculté à évoluer en décrivant de larges « S » est vraiment étonnante. Souvent dotés d’une quille jugulaire ou caudale pour les aider à virer de bord tout seuls, ces leurres sont particulièrement adaptés à la prospection de vastes zones. Travaillant en surface, ou à quelques décimètres en dessous, ils trouvent une place de choix pour louvoyer entre les herbiers naissants et la surface, ou ratisser une pointe ou un hautfond rocheux. Une simple récupération au moulinet, souvent modérée, suffit pour les faire entrer en action et prendre du poisson. Leur ressemblance avec des stickbaits leur a souvent valu de se voir infliger d’intempestifs et inutiles «twitches » et « jerks », de la part de pêcheurs mal renseignés ! Soft ou hard, les swimbaits sont réellement complémentaires. Grâce aux premiers, vous aurez la possibilité d’explorer les postes très encombrés, en montage texan, et de proposer une approche discrète. Les seconds, plus adaptés aux postes plus dégagés, délivreront des vibrations puissantes, parfois nécessaires pour déclencher l’attaques des brochets ou des gros bass. Dans tous les cas, rappelez-vous que rien n’est jamais trop gros pour un prédateur qui défend son territoire ou qui cherche à combler sa faim sans dépenser trop d’énergie.