
Pêche aux leurres, les solutions anti-herbes
Pour beaucoup d’entre-nous, les herbiers qui envahissent les rivières et les lacs durant la belle saison constituent un véritable cauchemar. Il existe pourtant de nombreuses solutions efficaces pour continuer de pêcher sans souci sur et dans ces jardins aquatiques si riches en carnassiers où de bien belles surprises attendent les pêcheurs qui auront fait l’effort de s’y intéresser.
Par Philippe Boisson
Comme chacun le sait, le début de l’automne correspond à une période favorable pour la pêche des carnassiers.
On trouve à cette période des conditions qui restent beaucoup plus calquées sur celles que l’on rencontre durant l’été, plutôt que sur celles qui nous attendent plus tard en saison. Les herbiers sont encore très présents partout où la photosynthèse permet leur développement, autant en rivières que sur les bordures des lacs. L’avantage de la pêche aux leurres est de pouvoir pêcher dans ces zones qui servent d’abris aux carnassiers alors que la quasi-totalité des autres techniques (pêche au poisson manié, vif…) ne le permettent pas autant. De nombreux lecteurs ont apprécié la démonstration faite par Alban Choinier dans notre DVD. Elle était consacrée au lancer en skipping avec un leurre souple dont l’hameçon est dissimulé dans le leurre. On a pu voir lors de cette séquence que le leurre reste pêchant dans des herbiers très denses. Mais encore faut-il savoir quels types de leurres et quels armements employer pour chaque type de d’herbiers. Les solutions sont nombreuses et souvent encore mal connues des pêcheurs français. On trouve aujourd’hui chez les détaillants spécialisés, tout le matériel nécessaire pour réaliser des montages les plus efficaces pour pêcher dans les herbiers sans s’y accrocher. Dès que ces massifs se développent de façon généralisée, l’emploi des poissons nageurs se limite à la pleine eau où à la pêche en surface. Les leurres souples deviennent alors incontournables car ils permettent, soit de disposer d’un hameçon simple dissimulé dans le leurre, soit d’un système anti-herbe. Ces leurres qui font encore sourire certains pêcheurs français sont pourtant incontournables pour pêcher au beau milieu des herbiers les plus denses.
Passer là où personne ne passe !
Vous l’aurez compris, le but de la manoeuvre est de passer son leurre là où personne ne penserait pouvoir le faire, dans ces zones qui font peur aux pêcheurs mais dans lesquelles les carnassiers tels que brochets, perches et black-bass ont élu domicile pour toute la saison estivale et pour une partie de l’automne.
Un ami qui a découvert récemment la pêche aux leurres “moderne” me confiait récemment “je redécouvre ma rivière, je la vois différemment maintenant ! ”. La rivière en question est à l’image de beaucoup d’autres, envahie par des herbiers de toutes sortes durant toute la saison chaude. Seul le chenal central, trop profond pour permettre la photosynthèse en est dépourvu. Tant qu’il s’agit d’herbiers “nobles” tels que les élodées, myriophylles, nénuphars ou potamots, tout est permis ou presque, mais en revanche les choses se gâtent lorsque les algues filamenteuses, signe d’une eutrophisation galopante sont de la partie. Ces algues très fines, longues et denses se logent dans tous les systèmes d’articulations des leurres : fixations des palettes de cuillers des spinnerbaits et des buzzbaits, noeuds de raccords de tresse et fluorocarbone, agrafes, etc. Après chaque lancer, il faut éliminer ces algues qui se logent partout. Les algues filamenteuses marquent donc une limite à l’utilisation des systèmes anti-herbes. Heureusement, il reste des zones qui en sont dépourvues, comme par exemple tous les secteurs où l’eau court. En effet, elles se développent principalement dans les eaux stagnantes et apparaissent à la suite d’une forte élévation de la température de l’eau.
Les spinnerbaits
Ces drôles de leurres qui marient des palettes de cuillers une jupe en élastiques et un leurre souple sont redoutables pour le brochet et le black-bass. Grâce à leur tige métallique qui protège l’hameçon, ils permettent de pêcher dans des zones encombrées d’herbiers tant que ceux-ci ne sont pas trop denses. Les spinnerbaits sont en quelque sorte des leurres de base pour se jouer d’eux. Ils sont parfaitement utilisables sur des zones où les herbiers laissent encore des espaces d’eau libre. C’est surtout “pilotés” à vue, à l’aide de lunettes polarisantes, qu’ils deviennent très efficaces, car le pêcheur peut anticiper les trajectoires, frôler les herbiers, éviter les pièges, insister là où il faut. Sur le plan du fonctionnement, les spinnerbaits vibrent, papillonnent à souhait tout en avançant de façon continue mais lente. Cette lenteur de récupération est imposée par le volume global du leurre qui, même fortement lesté, remonte très vite vers la surface en cas d’accélération. Plus les palettes sont nombreuses plus les spinnerbaits ont du mal à couler et donc se récupèrent lentement. On trouve des spinnerbaits équipés généralement de deux palettes, ce qui constituent des modèles très polyvalents. Certains modèles en comptent quatre. C’est le cas d’un très bon modèle de la gamme Booyah (distribution Flashmer) qui est parfait pour pêcher les hauts fonds et à l’inverse, Lucky Craft propose un modèle à corps tungstène muni d’une seule palette pour pêcher jusqu’à environ trois mètres de profondeur. Les spinnerbaits rendent fous les brochets, y compris dans des eaux où ils sont très sollicités à toutes techniques, vif compris. Ces leurres qui ressemblent à des appareils dentaires ne font pas du tout partie de notre culture et nous sommes encore très nombreux à ne pas y croire. Pour une fois, il s’agit d’un leurre qui prend plus facilement les poissons que les pêcheurs !
Les buzzbaits
A ne pas confondre avec les spinnerbaits, les buzzbaits (de buzz, bourdonnement) sont conçus pour évoluer en surface sur des massifs d’herbiers. Leurs palettes triangulaires tournantes sont chargées à la fois de brasser l’eau, d’émettre un son métallique et d’écarter les herbes afin de laisser passer l’hameçon placé derrière. Les buzzbaits permettent de passer sur des herbiers très développés en surface tels que les nénuphars. En revanche, ils coulent si l’on arrête la récupération. Ce sont donc des leurres à récupération relativement rapide qui ne permettent pas de marquer des arrêts, hormis sur les feuilles de nénuphars lorsqu’elles sont suffisamment proches les unes des autres pour offrir un “matelas” suffisant. Conçus pour la pêche du black-bass il peuvent aussi surprendre des brochets actifs surpris par autant de vacarme.
Les softs jerkbaits
Ce sont des leurres souples en forme de poissons dont la nage très chaloupée est très inspirée des jerkbaits durs (poissons nageurs). La différence vient de l’armement, qui n’est plus composé de deux hameçons triples mais d’un hameçon simple de grande taille dissimulé dans le leurre (de 1/0 à 5/0 selon la taille du leurre). Il peut ainsi passer absolument partout et rester pêchant tout le temps. A la touche, le carnassier comprime facilement le corps du leurre d’où se dégage la pointe de l’hameçon qui se situe juste sous le dos du leurre dans une gorge prévue à cet effet. Ce système également peu répandu en France ouvre de nouveaux horizons aux pêcheurs en leur donnant accès à une multitude de postes qui leur étaient jusqu’alors interdits. Ces leurres sont équilibrés pour couler très lentement, par un ajout de sel au niveau du ventre ce qui leur permet de toujours rester dans la bonne position. On peut aussi ajouter des inserts en plomb ou en tungstène (sortes de “clous”) pour obtenir plus de densité et pêcher plus profond. Le choix de l’armement est très important. Il faut notamment faire attention à choisir une forme d’hameçon qui ne cintre pas le leurre. Les hameçons simples à hampe courbée (wide gape) sont les plus adaptés car ils épousent la forme des leurres sans les entraver s’ils sont correctement placés.
Les grenouilles flottantes
Bien qu’elles fassent sourire avec leur allure de jouet, les grenouilles flottantes en plastique n’en sont pas moins efficaces pour déclencher des attaques spectaculaires de brochets et de black-bass en surface sur un tapis d’herbiers. Ces leurres constituent une classe à part pour plusieurs raisons. Premièrement, on peut les promener sur les zones les plus encombrées en toute liberté. Deuxièmement, la vitesse de récupération n’est pas imposée comme avec les buzzbaits. On peut donc marquer des arrêts à volonté, car ils sont indispensables pour déclancher des attaques. On savait que les black-bass avaient toujours un oeil voire les deux orientés vers la surface, mais il ne faut pas oublier que les brochets aussi sont des consommateurs de batraciens. Avec ces derniers, si les attaques sont très spectaculaires, elles sont aussi très hasardeuses. Les grenouilles sont très souvent ratées par les brochets dont on peut voir le coup de gueule dans le vide à côté du leurre. Peu importe, c’est un spectacle rare dont il ne faut pas se priver et heureusement le piège fonctionne quelquefois !
Les systèmes anti-herbe sur les têtes lestées
Quelles soient en plomb, en alliage ou en tungstène, les têtes lestées sont proposées avec ou sans antiherbes.
On trouve principalement deux systèmes anti-herbes qui équipent les têtes lestées. Un dispositif en corde à piano en forme d’élytre qui fait office de ressort, mais qui est de plus en plus remplacé par un petit balai en fibres de nylon rigide. Les deux ont la même fonction : protéger la pointe de l’hameçon des herbiers rencontrés lors de la récupération tout en étant assez souples pour fléchir sous la pression d’un coup de gueule. Ce n’est pas la panacée, mais cela évite quelques accrochages sur des herbiers fins.
Les montages texans et leurs dérivés
Souvent décrits en détail dans nos colonnes, les montages dits ”texan” autorisent eux aussi de longues ballades au milieu des herbiers. Il s’utilise avec une multitude de leurres souples. Le principe de montage de l’hameçon simple est similaire à celui requis pour le montage du soft jerkbait présenté dans cet article. Selon la forme du corps du leurre, on optera pour un hameçon à hampe droite (pour les leurres de section cylindrique) ou à hampe courbée pour ceux dont la forme est plus haute. La pointe de l’hameçon vient se positionner le long du corps du leurre souple. On peut pêcher en la laissant ainsi, mais si les herbiers occasionnent quelques accrochages, la pointe peut être logée juste sous la “peau” du leurre, ce qui suffit pour que la végétation aquatique y glisse librement.
Des solutions simples et efficaces
Avec quelques leurres bien adaptés, on s’aperçoit qu’il devient facile de pêcher les zones d’herbiers et surtout que ces drôles de leurres ne sont pas systématiquement perdus à chaque lancer comme on pourrait le penser, mais qu’au contraire ont est surpris de pouvoir pénétrer librement dans l’intimité de nos rivières et de nos lacs. Toutefois, pour ce qui concerne les leurres souples, vous devrez apporter une certaine attention au choix des tailles et des formes d’hameçons, afin qu’ils correspondent au mieux à celles de vos leurres. Les fabricants et importateurs de matériel de pêche aux leurres feraient bien de proposer des modèles prêts à l’emploi à destinations des novices en la matière. Cela permettrait à un large public de découvrir et de se familiariser avec des montages bien étudiés et d’éviter ainsi des erreurs, qui occasionnent une mauvaise nage des leurres, des pertes de poissons ou des accrochages inopinés. Le problème vient toujours des hameçons, pas toujours disponibles dans les bonnes tailles et les bonnes formes chez nos détaillants, même si de gros efforts ont été fait durant ces trois dernières années. Alors, pêcher au milieu des herbiers n’est plus un problème insurmontable, mais cela implique un minimum de rigueur dans le choix de son matériel. Ensuite tout est permis ! C’est une pêche très ludique, précise, qui réserve de très belles surprises.