
La pêche à la mouche en barque
La pêche à la mouche en bateau offre de nombreux avantages : approche discrète des postes, dégagement arrière lors des lancers, prospection de grandes étendues d’eau, présentation optimale des mouches, etc. Dans les réservoirs qui proposent la location de barques, de nombreux pêcheurs sont des inconditionnels de cette pêche. Ils apprécient le confort qu’elle procure, surtout quand un moteur électrique remplace la paire de rames. Pour autant, beaucoup d’entre nous sous-estiment ce fabuleux outil. Un petit point sur le sujet ne semble pas inutile.
Par Philippe Collet
De nombreux pêcheurs pratiquent debout dans les barques. Dans cette position, ils sont plus à leur aise pour lancer. Ils oublient toutefois qu’ils alertent beaucoup plus de poissons qu’en position assise car leur silhouette se découpe plus haut dans le ciel. Ils pêchent debout pour lancer plus loin, mais doivent lancer plus loin parce qu’ils sont debout ! En pêchant debout ils prennent le risque de tomber plus facilement à l’eau sur un déséquilibre, surtout si la barque est petite ou instable et que le collègue de pêche est peu attentif et bouge de façon brusque.
Il est tout à fait possible de lancer assis, il faut simplement ne pas être trop bas. Or, sur les bancs de la plupart des barques du commerce on a les genoux plus hauts que le bassin, position plutôt inconfortable et peu propice à de bons lancers. Ces bancs bas incitent à se lever régulièrement pour se dégourdir les jambes, ne permettent aucun rangement en dessous et compliquent la progression dans le bateau puisque les affaires sont rangées à côté, occupant l’espace disponible pour les pieds.
Fabriquer son banc
Pour remédier à cela, le plus simple est retirer les bancs d’origine et d’utiliser des bancs maison, que l’on pose en travers du bateau, appuyés sur les plats bords, en s’asseyant à califourchon dessus. Cette solution est d’après moi la plus simple, la moins onéreuse et la plus efficace. Ces bancs peuvent être glissés où l’on veut vers l’avant ou l’arrière pour régler l’assiette du bateau ou l’écart entre les deux pêcheurs. Ils sont faciles à réaliser pour moins de 10 euros de matériaux. Il suffit de couper une planche d’environ 20 cm de large pour 2,5 ou 3 cm d’épaisseur sur une longueur légèrement supérieure à la largeur du bateau, d’y fixer à chaque extrémité, à l’aide de deux ou trois vis, un petit morceau de tasseau d’un centimètre de côté dans le sens de la largeur pour former une butée et éviter que la planche ne glisse du bord du bateau. Un petit coup de ponçage voire de vernis, si l’on veut faire luxueux, et le tour est joué. Ces petites butées sont indispensables. Sur une simple planche le pêcheur finira tôt ou tard les quatre fers en l’air en ayant voulu avancer ou reculer sans vraiment en décoller ses fesses (croyez-en mon expérience !). Lors de ma première visite en Angleterre, je n’avais pas de banc et avais souffert de pêcher, des jours entiers, assis trop bas au milieu du bateau ou sur une fesse à l’avant ou à l’arrière. Lors de ma visite suivante j’avais emmené mon banc maison, bien moins cher que les bancs en aluminium vendus sur place et avais pêché dans de bien meilleures conditions. Il m’arrive encore d’emmener ce bête bout de bois quand je sais que les bateaux n’en sont pas équipés. Le plus souvent je regrette de ne pas l’avoir pris. Messieurs les gestionnaires de réservoirs, si ce n’est déjà fait, équipez vos barques de cette façon, vous pouvez proposer un réel confort à vos clients pour un investissement minime. Vous verrez moins de pêcheurs debout et diminuerez nettement le risque d’en voir un passer par-dessus bord un jour ou l’autre.
Travailler son lancer
Si, malgré une assise haute, vous avez encore du mal à lancer correctement sans toucher l’eau à l’arrière, vous devez apprendre à relever légèrement votre bras, au fur et à mesure de sa progression vers l’arrière, puis à bien le bloquer en maintenant la canne verticalement. Vous devez proscrire les lancers en rotation autour de votre poignet ou de votre coude, quivous conduisent rapidement à coucher votre canne presque à l’horizontale et à ne plus contrôler correctement votre soie, qui va alors toucher l’eau.
Pêcher vent dans le dos
On voit aussi de nombreux pêcheurs lancer de tous côtés, en étoile, autour de leur embarcation, voire même contre le vent dans le sillage de leur dérive. Lorsqu’on est ancré sur un poste ou accroché à une bouée, comme l’imposent certains plans d’eau pour le respect des pêcheurs pratiquant depuis la berge, il est possible, surtout si le temps est calme, de lancer en étoile autour de la barque. Il est toutefois rare que le vent ne soit pas un peu de la partie. A ce moment-là, il vaut vraiment mieux s’en faire un allié et l’utiliser pour porter ses mouches vent arrière ou de travers au lieu de lutter contre. Pour les pêcheurs débutants, la barque peut être l’occasion de s’essayer à la pêche avec un train de deux ou trois mouches, à condition de bien bloquer son lancer arrière et d’ouvrir largement sa boucle sur le lancer avant en visant vers le ciel. Lorsque le vent est établi et ride le plan d’eau, les poissons actifs, à la recherche de nourriture, ont plutôt tendance à le remonter. Lancer le vent dans le dos permet alors de poser la mouche en premier vers des poissons qui remontent vers vous. C’est beaucoup plus productif que de poser derrière des poissons qui vont s’éloigner de vous sans avoir vu vos mouches, ou dessus, car vous les aurez alors alertés en les couvrant avec le bas de ligne ou, pire, avec la soie.
Pour bien pêcher à deux le vent dans le dos, il vaut mieux accrocher le bateau à l’ancre par le côté et pêcher assis à califourchon sur les bancs. Sur un bateau accroché par la pointe, la pêche sera bien moins confortable et productive. Il se peut toutefois que l’action du vent, sur une soie posée en plein travers de ce dernier, génère une animation intéressante du train de mouches. Mais cette animation n’est généralement pas la plus intéressante, surtout si le vent est fort.
Respecter son collègue de pêche
La pêche en barque à deux nécessite une certaine discipline si l’on ne veut pas risquer des emmêlages sévères, voire la casse d’une canne. Un moucheur habitué à pêcher en barque attendra toujours que son collègue ait fini de lancer pour relever sa canne et relancer. Il lancera canne verticale au-dessus de sa tête et non canne couchée au-dessus de celle de son voisin. Le pêcheur le moins aguerri se placera de façon que sa soie passe au-dessus de l’eau plutôt que par-dessus la tête de son voisin. En barque, il est vivement recommandé de porter une casquette et des lunettes; pour éviter un accident si l’on prend une mouche du voisin dans le visage. L’alternance des lancers est primordiale, une certaine courtoisie est alors de mise, on ne cherchera pas à griller le tour du voisin en ramenant précipitamment pour relancer avant lui. Rien n’est plus gênant en barque qu’un collègue de pêche qui bouge sans arrêt, qui fait du bruit et qui lève sa canne quand vous lancez.
Etre un tant soit peu ordonné
En barque l’espace est réduit, il convient donc de ne pas trop étaler de matériel. La soie, l’épuisette peuvent se prendre dedans et il faut pouvoir se déplacer. Si un objet tombe à l’eau, il est en général perdu. Le matériel nécessaire devra être disposé à portée de main pour y accéder sans être obligé de systématiquement se lever.
Pêcher en dérive
La pêche à la mouche en barque dérivante permet de prospecter une étendue d’eau plus importante. La barque va vers les poissons. Il n’est donc pas nécessaire de faire de longs lancers pour les trouver. Un bas de ligne long est par contre un avantage, puisqu’il permet d’éviter de les effaroucher. Les barques à clins irlandaises longues, lourdes et quillées, dérivent parfaitement perpendiculaires au vent et ne nécessitent pas forcément d’ancre flottante. Cette dernière ne sert avec ces bateaux qu’à ralentir la vitesse de dérive. Peu utilisée en Irlande, l’ancre flottante est systématiquement utilisée sur les grands réservoirs anglais. Pour les embarcations plus modestes, au fond généralement plat, que nous utilisons sur nos plans d’eau, l’ancre flottante permet de ralentir mais aussi de stabiliser la dérive. Elle cale le bateau perpendiculaire au vent. La fixation de cette ancre doit être placée au bon endroit sur le bateau pour éviter qu’il ne s’oriente de travers. Une astuce consiste à emmener avec soi un serre-joint pour régler précisément le point d’accrochage de l’ancre. Ce dernier s’adaptera à la plupart des formes de coques et, s’il est choisi avec des protections en plastique, ne leur laissera aucune trace.
L’ancre flottante
C’est un morceau de toile, percé ou non en son centre, dont les 4 angles sont accrochés à un bout de cordon.
Les 4 cordons sont ensuite rassemblés pour former un parachute sommaire. Dans l’eau ce parachute se gonfle et oppose toute sa surface à la force de dérive provoquée par la poussée du vent sur le bateau. Lorsqu’on relève l’ancre flottante sur une barque relativement légère, c’est le bateau qui revient vers l’ancre et non l’inverse.
Très utilisées au Royaume-Uni, ces ancres sont faciles à trouver là-bas. Elles font le plus souvent 25 pieds carrés ou 2,32 mètres carrés, ce qui correspond à un carré de 1,5 mètre de côté, car une règle internationale définit leur taille pour la compétition. Tous les bateaux en compétition dérivent ainsi sensiblement à la même vitesse (à taille égale).
La pose de l’ancre
Pour un maximum d’efficacité, la pêche en dérive demande une bonne coordination entre les équipiers.
Il convient en fin de dérive de relever ses cannes en même temps sur proposition d’un des pêcheurs et des les poser après avoir accroché les mouches pour qu’elles ne risquent pas de retourner à l’eau. L’un s’occupe de l’ancre, l’autre du moteur. Pour relever l’ancre, il faut tirer dessus jusqu’à pouvoir saisir un des quatre cordons. A ce moment-là elle vient comme un drap, sans aucune résistance, au lieu de peser un poids considérable.
Si la dérive est courte, l’équipier peut garder l’ancre à la main au-dessus de l’eau pour la reposer rapidement. Sinon il la range soigneusement sans l’emmêler et sans rentrer trop d’eau dans le bateau. Pour poser l’ancre efficacement, il convient d’arriver lancé, légèrement en amont de la dérive projetée et si possible dans l’axe de cette dernière. On lance ou on lâche alors l’ancre, qui, si tout va bien, accroche l’eau rapidement et se gonfle en disparaissant sous l’eau. Elle oblige alors le bateau à décrire un demi-cercle (un peu comme un chien au bout d’une laisse) pour se placer perpendiculairement aux lignes de vent. Lorsqu’on pêche sur un grand lac anglais, dans un vent fort, la berge battue des vagues jusqu’à la dernière seconde, à la recherche des poissons qui la longent, la rigueur et la coordination des équipiers doivent être dignes de celle exigée dans une régate de voile, pour ne pas finir échoué.
Prendre correctement une dérive
Si un secteur du plan d’eau est productif et qu’on en est sorti, il convient de se replacer. Pour cela on évite de traverser directement la zone de pêche et on prend le temps de la contourner, suffisamment largement, surtout si l’on utilise un moteur thermique. La pratique des micro-dérives peut être envisagée si le poste de pêche est très précis, une cassure par exemple. On ne perdra pas de temps en amont en arrivant lancé et pas trop en aval en attendant de s’être juste suffisamment éloigné du point chaud pour ne pas alerter les poissons en redémarrant. Un bon rodage dans l’exécution des gestes permet alors d’être très efficace. On évite de se replacer devant ou trop près d’un bateau qui dérive déjà ou de traverser sa dérive au moteur. On passe derrière. Toutes ces recommandations pourraient s’appliquer de la même façon, en mer, à la pêche du bar, ancre flottante en moins.
La pêche des lignes de vent
Si vous ne connaissez pas un plan d’eau et que le vent est suffisamment fort pour créer des couloirs ou des lignes de vent, pêchez-les, il y aura forcément des poissons en maraude dedans, le nez vers l’amont du courant créé. Ces lignes de vent se matérialisent par une concentration de bulles et d’objets divers : plumes, brins d’herbiers, feuilles… mais aussi insectes aquatiques. Pour pêcher une ligne de vent, on place le bateau dedans pour la pêcher en vent arrière. On peut la pêcher en vent de travers si l’on s’en écarte légèrement, mais on veille toujours à passer ses mouches sous les bulles.